Face à une arthrose fémoro-tibiale interne sur genu varum, l’ostéotomie tibiale de valgisation reste une intervention de choix. Elle assure un résultat durable avec plus de 70% de bons résultats à 10 ans, à condition que l’on ait pu obtenir une correction angulaire frontale entre 3 et 6 degrés de valgus (symposium de la SOFCOT 1991).
Les échecs des ostéotomies sont dus le plus souvent à une arthrose rapidement évolutive, à une récidive du varus, ou à une hypercorrection avec dégradation du compartiment externe, ou au développement d’une arthrose fémoro-patellaire.
Malgré une dégradation progressive des résultats avec le temps, cette intervention reste fréquemment indiquée, surtout chez l’adulte jeune.
Elle garde toute sa place, face à la chirurgie prothétique du genou (arthroplastie unicompartimentale ou totale).
Nous sommes restés fidèles à l’ostéotomie tibiale de valgisation par addition interne. Nous exposerons successivement notre technique opératoire, les avantages de l’ostéotomie d’ouverture et enfin nos indications.
Technique chirurgicale
La planification préopératoire
est essentielle.
Elle nécessite :
- des clichés standards (face et profil en charge et incidence fémoro-patellaire à 30°) ;
- un pangonogramme en charge en appui bipodal, sur lequel est mesurée la désaxation frontale
L’épaisseur de l’ouverture afin d’obtenir un valgus postopératoire de 3 à 6° est calculée en fonction de la largeur du tibia au niveau de l’ostéotomie et de l’angulation souhaitée. Des abaques précises ont été proposées par mes maîtres, les professeurs Goutallier et Hernigou.
L’intervention est réalisée sur un patient en décubitus dorsal, sous garrot pneumatique. Un petit coussin est placé sous la fesse du côté opéré pour mettre le membre en rotation neutre.
L’incision cutanée est verticale à la face antéro-interne du tibia. Elle débute en regard de l’interligne articulaire et descend cinq centimètres sous la tubérosité tibiale.
Nous désinsérons partiellement d’avant en arrière les tendons de la patte d’oie et le faisceau superficiel du ligament latéral interne, pour exposer toute la face interne du tibia.
La face postérieure de la métaphyse tibiale est ruginée délicatement en prenant bien soin que l’instrument reste toujours au contact de l’os.
La rugine sera laissée en place comme protection pendant l’ostéotomie.
En avant on dégage la face profonde du tendon rotulien jusqu’à son insertion sur la tubérosité tibiale et il sera protégé pendant le reste de l’intervention par un petit écarteur de Farabœuf.
L’ostéotomie tibiale
Il s’agit d’une ostéotomie sus tubérositaire, interligamentaire, débutant 3,5 centimètres sous l’interligne.
Le trait
est légèrement ascendant dirigé vers l’extrémité supérieure du péroné. Un contrôle radiologique avec une broche en place est réalisé pour s’assurer que la direction du trait est optimale. Le trait doit aboutir dans l’articulation péronéo-tibiale supérieure.
L’ostéotomie est effectuée au ciseau frappé.
Il est impératif de conserver une charnière externe pendant tout le temps de l’ostéotomie ; un ciseau à os large est introduit dans le trait et le foyer d’ostéotomie est fait bailler progressivement en valgus en assurant un contre-appui externe.
Si l’ouverture est insuffisante il faut continuer à fragiliser les ponts osseux restant avec les ostéotomes, en avant et en arrière, jusqu’à l’obtention de l’ouverture souhaitée.
Il faut éviter de créer une flexion dans le foyer d’ostéotomie en maintenant une extension par une main située sous le tendon d’ACHILLE.
L’ouverture est toujours plus importante en arrière qu’en avant.
Deux complications peuvent survenir lors de la réalisation de l’ostéotomie :
- la fracture de la charnière externe se produit surtout dans les corrections importantes. C’est une cause d’hypo correction opératoire. L’ostéosynthèse par plaque permettra d’assurer une fixation rigide.
-
une fracture du plateau tibial externe, peut se produire si la charnière n’a pas été suffisamment fragilisée et si l’on essaie d’ouvrir le foyer d’ostéotomie en force à l’aide d’un ciseau. Il faut reprendre l’ostéotomie et affaiblir la charnière en utilisant un ciseau large. Ce refend, habituellement non déplacé, sera fixé par la plaque d’ostéosynthèse.
Le comblement de l’ouverture
On teste ainsi le degré de correction et un contrôle radiologique peut être effectué à ce stade. L’épaisseur de la cale a été déterminée lors de la planification préopératoire.
Elle doit être posée dans le foyer d’ostéotomie en appui sur le bord postéro-interne du tibia, la face affleurant la corticale interne du tibia.
L’ostéosynthèse est systématique. Elle doit être rigide pour éviter toute perte de correction postopératoire et doit permettre un appui rapide.
Nous utilisons des plaques SURFIX (Tm). Le principe de la plaque SURFIX consiste à rendre la vis et l’implant mécaniquement solidaire par une contre-vis. Les trous de vis sont pourvus d’un filetage, permettant la mise en place de contre-vis, empêchant tout recul des vis. Ces plaques sont épaisses, ont un dessin en L et sont spécialement conçues pour ce type d’ostéotomie.
Le principe de la plaque SURFIX
Schéma de la plaque, de la vis et de la contre-vis.
La plaque s’applique à la face interne du tibia et peut être légèrement moulée si nécessaire.
Ce trajet est déterminée par un guide vissé dans les trous de la plaque; après avoir retiré le guide, il faut fraiser la corticale interne du tibia pour permettre l’enfouissement de la tête de vis.
Les deux vis inférieures sont bi corticales et il faut habituellement utiliser une mèche de 4,5 millimètre à ce niveau ; au niveau des deux vis supérieures il est plus difficile d’obtenir une fixation bi corticale en raison de la forme de la plaque et du trajet ascendant suivi par les vis ; elles sont habituellement mono corticales et se terminent sous le plateau tibial externe. Leur prise est solide en raison du diamètre du pas de vis (6,5).
Des contre-vis viennent solidariser ces vis à la plaque les bloquant et évitant tout recul possible.
Aspect définitif de l’ostéotomie, cale et plaque en place.
Un contrôle radiologique per-opératoire de face et de profil permet de vérifier l’importance de la correction et le bon positionnement de la plaque et des vis.
La plaque SURFIX assure une compression du foyer d’ostéotomie et une stabilité dans tous les plans (varus-valgus, flexion-extension et rotation). Nous l’avons préférée aux autres modes de fixation : par agrafe sources de perte de correction post-opératoire et par les autres plaques d’ostéosynthèse qui ne permettent pas une reprise précoce de l’appui.
Lors de la fermeture le ligament latéral interne et la terminaison de la patte d’oie sont suturés en recouvrant la plaque. Aucune contention externe post-opératoire n’est nécessaire.